La réalité est le pire scénario possible.

Semestre 3 - A2 année 2022-23

L’arrivée et l’utilisation des concepts liés à la surveillance dans le travail des artistes vidéastes élargissent les problématiques esthétiques et politiques de l’image. Cette situation accentuée par une pratique de l’internet, des réseaux sociaux induit une vision ambivalente des rapports entre le réel et le virtuel. Cette vision est en partie optimiste : on perçoit un espoir que tout un chacun puisse agir dans le monde réel à travers le virtuel. C’est un appel à investir l’esthétique de la fissure à des fins politiques, à chercher la ligne de moindre résistance. Films de fiction, news, documentaires, séries, troublent les frontières entre le « réel » et la « représentation » entre le vrai le faux. Nous explorons ces frontières en utilisant les images déjà produites à la télévision avec les chaines en continu, les flux sur internet, les réseaux sociaux. Comment construire un récit entre réalité et fiction ?

Le principe est simple, réutiliser, recycler, réemployer des images et des sons réalisés par d'autres pour créer à son tour un récit nouveau, une esthétique nouvelle, différents de ce qui avait été conçu initialement.


Organisation prévisionnelle des étapes du cours

     Le travail s’effectue sous forme d’atelier collectif avec un suivi individuel. Le semestre se divise en trois périodes :


1 - Phase de recherche : collecte et expérimentations avec la fabrication de matériel audio-visuel pour constituer une sorte de scénario (esquisses dessinées, photos, sons, courtes captations vidéo). En parallèle, un travail de recherche s’effectue sous la forme d’analyses d’œuvres présentée par un exposé pour interroger les enjeux des modes de production de ces dernières. L’étudiant·e doit ouvrir un champ, un corpus de recherche discursive et pratique questionnant les relations existantes entre image, esthétique et mode de production.

Exposés sur un artiste de son choix


2 - Évaluation intermédiaire de l’expérimentation.


3 - Phase de production : tournage et montage.


Evaluation 

continue 50% et finale 50%

L’étudiant·e acquiert la méthode et les outils nécessaires à l’élaboration d’un projet de “film” qui met en jeu la matière même de l’image en mouvement. Ce travail s’accompagne d’un apport théorique à partir de l’analyse d’œuvres de la création contemporaine et en particulier leurs modalités de production et de diffusion.

 Johan Grimonprez
 
D.I.A.L. History 1997
Dial History est une recherche axée sur les archives télévisuelles et remet en question le spectacle médiatique. Le récit historique du détournement d'avion constitue le point de départ d'une analyse de l'impact des images sur nos sentiments, notre savoir, notre mémoire.
Les rêveries fragmentales d'un écrivain anonyme autour du pouvoir de l'écriture, dans une époque appartenant aux poseurs de bombes et aux pirates de l'air hypermédiatisés, focalisent à la fois le désir de catastrophe et le besoin de se sentir chez soi.
Au milieu du flot ininterrompu d'informations inutiles et contradictoires, le terroriste, lui, en promettant identification et récit, pathos et catharsis, suscite, comme chaque catastrophe réussie, un flux de sentiments entre l'image et le spectateur. Le succès de la "télévision-réalité" témoigne de l'alliance des médias, des téléspectateurs et de la catastrophe.
Le film développe une réflexion sur le rôle des médias dans la lecture et la compréhension des événements, mais également sur les mécanismes politiques et étatiques qui sous-tendent et accompagnent le terrorisme. Ce film est une transgression des genres entre fiction et documentaire, dépassant les repères logiques et chronologiques du documentaire pour construire une narration singulière.

 
 
 
DOUBLE TAKE 2010
 
 Double Take | Avila

Thriller politique, Double Take met en scène un récit orchestré par Alfred Hitchcock, où se mêlent faux-semblants, couples étranges et histoires croisées.

À partir d’un collage d’archives télévisuelles et cinématographiques, Johan Grimonprez, sur un scénario inspiré d’une nouvelle de Borges, détourne la figure mythique du « maître du suspense ». Sous la forme d’une intrigue ludique, il dissèque la paranoïa d’un individu comme métaphore de la crise politique et nous invite à réfléchir à notre propre rapport aux images.L’artiste et cinéaste Johan Grimonprez explore des thèmes qui lui sont familiers : comment la télévision manipule les foules; effraie et brouille la frontière entre réalité et fiction. Encore une fois, au centre de l’oeuvre, une silhouette se dessine, Alfred Hitchcock. Ce film est en quelque sorte la suite du court métrage de Grimonprez, Looking For Alfred, qui joue de la même façon sur le thème de la duplicité, en décortiquant les apparitions d’Hitchcock dans ses propres films, et se demandant ce qui se passerait si Hitchcock venait à rencontrer…Hitchcock. A la différence que dans ce projet-ci, l’enjeu augmente considérablement.

Avec Alfred Hitchcock et son double, Ron Burrage, Mark Perry, Delfine Bafort…

Entretien avec Johan Grimonprez

https://derives.tv/double-take/

 

Ondes et silence 2014, durée14 minutes de David Bryant et Karl Lemieux

Ce court métrage documentaire expérimental s’intéresse à des individus souffrant d’hypersensibilité électromagnétique, qui se sont réfugiés autour de l’observatoire de Green Bank, dans le « National Radio Quiet Zone » (zone nationale de silence radio). Connus notamment pour leur travail au sein du groupe musical Godspeed You! Black Emperor, David Bryant et Karl Lemieux signent une œuvre sensorielle percutante. 

World Brain 2013, durée 74 minutes de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon
World Brain suit les pérégrinations d'un groupe de chercheurs qui tente de survivre dans la forêt avec Wikipédia. Au contraire des rêves de déconnexion, ils quittent tout, sauf la connexion. Ils utilisent la forêt comme une manière de se relier au réseau.…

World Brain propose une excursion à travers différentes formes de folklore de l’internet comme un mythe : data centers, magnétisme animal, la vie intérieure des rats, la connexion des chatons et des pierres dans la Noosphère. Le film détourne les codes de la restitution documentaire ou de la fiction, pour osciller entre l'expérience onirique et la simulation.

L'émergence d'un réseau numérique mondial fondé sur la réduction absolue du vivant en données pose la question du lien social et politique à venir. La socialité en réseau n’est-elle pas condamnée à la pulvérisation ? Dans un monde totalement numérisé, l’homme lui-même n’en est-il pas remis au statut d'hypothèse ? N'y a-t-il pas un paradoxe entre la nature fragmentaire des données et la politique du lien que prônent les adeptes de la connexion globale ? L’hypothèse qui se dessine dans le projet World Brain n’est ni le réseau, ni son expansion que l'on sait inévitable, mais l'humanité elle-même.

https://vimeo.com/134225875

 

 

Gwenola Wagon
Globodrome 2009-2011 durée 62 minutes 

Walt Disney souhaitait que Disneyland soit le plus merveilleux endroit de la terre, et qu’un train en fasse le tour. Comme le Carolwood Pacific Railroad, un petit train miniature à l’image des premiers trains de la conquête de l’ouest, le projet futuriste de ligne de chemin de fer circulant autour du monde pour en faire littéralement le tour était surnommé Jules Verne en hommage aux 80 jours. Cependant, les Google managers ont trouvé beaucoup plus simple: modéliser une terre à dimensions variables pour qu’on l’explore sans avoir à se déplacer physiquement à travers le globe.
Globodrome est une une enquête sur les représentations du monde à partir d’un globe virtuel en suivant le même itinéraire que Phileas Fogg et Passepartout dans Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne.
L’itinéraire suit les latitudes d’Est en Ouest et coupe tous les méridiens du globe en passant de Londres au Mont-Cenis, de Brindisi à la mer rouge, du canal de Suez au paradis artificiels en série, de détroit de Bab-el-Maneb à une princesse saoudienne, des espaces disparus d’Aden à Socotra, de Bombay à Benares jusqu’à Kolkota et du détroit de Malacca à Singapour et son dragon de Komodo, de la traversée en mer de Chine à Hong Kong, de la baie de Taiwan à Yokohama, du 180è méridien à San Francisco, de Sacramento à Reno, de Mustang ranch à l’interstate 80, de Salt Lake City à des Moines, de Chicagoland à New York et de Dublin à Londres.
Globodrome est un essai sur les représentations du monde à l’ère des stallites géo stationnaires, une enquête photographique, historique, géographique, topologique, anecdotique, politique interrogeant le statut d’un globe virtuel donnant à l’explorateur un regard déictique et transformant la Terre en un fascinant et dramatique métavers
 
 

 https://vimeo.com/51278797
 
Fiorucci made me Hardcore durée 15minutes de Mark Leckey

La vidéo consiste en un collage d'images d'archives sur les danses populaires des années 70 à 90. L'occasion passionnante d'observer de façon scientifique et mythologique (anthropologique) la manière dont les corps bougent sous l'influence des sons/comment les sons s'incarnent. En quoi la musique influe sur la forme que prennent les corps, entre répétition, petite variations et événement unique...
https://www.ubu.com/film/leckey_hardcore.html 
Son travail est à consulter sur UBUWEB :
https://www.ubu.com/film/index.html

Les successions temporelles à l’œuvre dans son travail se trouvent alors brouillées pour s’unifier dans un grand tout, « à la fois dans le passé et le futur », comme le déclare l’artiste dans sa vidéo Prop4aShw (2010-13). Ses œuvres semblent ainsi inachevées, sur le point d’éclater pour se reconstituer virtuellement ou physiquement dans de nouveaux agencements.
https://www.youtube.com/watch?v=v5XCscECpAo
 
Mark Leckey entend ainsi explorer l’animisme technologique paradoxalement à l’œuvre dans nos sociétés : « On entend souvent que la technologie s’apparente à quelque chose de froid et distant, totalement déshumanisé. C’est le plus grand des mensonges.

https://www.ubu.com/film/leckey_green.html

Article dans la revue 02 : https://www.zerodeux.fr/reviews/mark-leckey-enchanter-la-matiere-vulgaire/

 

 
Hito Steyerl
 
Premium Connect 2017 durée 13 minutes de Tabita Rézaire
A la fois artiste, chercheuse et guérisseuse, thérapeute en santé-tech-politix et professeure de Kemetic/Kundalini Yoga, Tabita Rezaire est une artiste plurielle, qui considère le corps comme une technologie. Son travail, qui privilégie le média vidéo, a été présenté en Corée du Sud, mais aussi en Australie ou au Danemark. Très intéressée par internet qu’elle rapproche du monde réel et qu'elle définit comme occidentalo-centré, mais aussi excluant, oppressif, raciste et patriarcal, elle appelle par son travail à le décoloniser et à le déconstruire.
C’est ainsi qu’elle réalise en 2017 Premium Connect. Cette vidéo d’une dizaine de minutes à l’esthétique internet 90’s propose une lecture alternative aux récits dominants et fait des parallélismes troublants. Tabita Rezaire démontre ainsi que le système binaire de code peut se rapprocher des protocoles tout aussi binaires du système de divination imaginé par le peuple Yoruba.
En convoquant ainsi le cyberespace pour parler des pratiques spirituelles, Tabita Rezaire en profite par le même mouvement pour évoquer dans le désordre des sujets divers et variés comme le système fongique, les communications ancestrales, et prouve ainsi qu’internet est utilisé pour servir un certain impérialisme culturel. En faisant apparaître dans Premium Connect aussi bien des échanges de textos que l’intervention de la philosophe nigériane Sophie Oluwole, Tabita Rezaire souhaite aider à e-cicatriser, et à démanteler cette nouvelle forme de colonialisme pour se reconnecter à soi.
 

 


Sites d'archives :
http://archive.org/index.php
http://thecliparchive.com/index.php?category=BottledVideo
http://www.publicdomaintorrents.info/
 

 

A lire

https://www.lesmondesnumeriques.net/2018/02/11/en-quoi-la-plateforme-instagram-transforme-la-production-artistique-et-la-diffusion-des-oeuvres/

https://www.erudit.org/fr/revues/sp/2008-sp04857/1064449ar/

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