Atelier instensif "Situation" L2-2011/2012
Atelier intensif L2
« Situation » Atelier vidéo avec Sylvie Ungauer
image-mouvement et
image-temps
Contenu
Choisir une situation dans laquelle se
trouve un objet. C'est à dire une situation + un adjectif
Exemples : situation instable,
habituelle, extrême, idéale, trouble, claire... + un objet.
Percevoir cette situation en cherchant
à construire un scénario autour de cet objet. C'est à dire qu'on
trouve une histoire...
Méthode
Pour vous aider à construire votre
scénario :
La méthode employée dépend de votre
situation habituelle ou exceptionnelle et de votre réaction à la
situation.
Gilles Deleuze parle de
l'image-mouvement et de l'image temps.1
L'image mouvement :
l’action donne lieu à une réaction , l'action décide du temps.
Un personnage sort de la pièce - cut - le même personnage est vu en
extérieur sortant de chez lui et empruntant la rue. Le plan a été
coupé parce que le personnage n'avait plus rien à y faire. C'est
l'action (la sortie du personnage) qui arrête le plan et décide de
sa durée. Le plan suivant constitue la réaction. Cet exemple peut
être appliqué à un objet. Une objet tombe et se casse -cut – le
même objet est cassé, le plan est coupé parce qu'il ne sa passe
plus rien. Exemple Der Laufe der Dinge de Fischli et Weiss.
Le temps dépend de l’action. :
« L’image-mouvement […] nous présente un personnage dans
une situation donnée, qui réagit à cette situation et la
modifie... »
Commentaire
L’image-mouvement constitue une
grosse majorité des images que nous voyons, et pas seulement des
films d’actions. Un simple dispositif d’entrevue avec un
journaliste et une personnalité, champ sur le journaliste qui pose
sa question, contre-champ2
sur l’interviewé qui y répond, relève de l’image-mouvement
pure et simple.
L'image temps :
l'image-temps repose sur la réflexion pure. L'image-temps vient
rompre avec l'habitude et fait entrer le personnage dans la dimension
du temps : « un morceau de temps à l'état pur ».
Et c'est cela qui intéresse Deleuze pour son propre compte dans le
cinéma, à savoir la manière dont l'image cinématographique peut
exprimer un temps qui soit premier par rapport au mouvement.
Exemple : un père part pêcher
avec son fils qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Ils s’installent
sur les berges. Le contact est difficile, ils ne disent rien, ils
regardent à l’horizon. Cela dure un certain temps, nettement plus
long que le temps nécessaire au spectateur pour comprendre
simplement qu’ils pêchent. Cut. Le plan suivant n’a rien à
voir. Par exemple, la mère emmène le fils en voiture à la ville.
Il n’y a pas de lien de cause à effet entre les deux plans. On ne
saurait pas dire si cela se passe avant ou deux heures plus tard ou
le mois suivant. Le fait d’aller pêcher n’a donné lieu à
aucune réaction, et si le plan avait duré plus longtemps il ne se
serait rien passé de nouveau. La durée du plan n'est plus décidée
par l'action, le temps est indépendant de l'action. On ne connaît
pas le résultat de la pêche et ça n’a aucune importance. Ce plan
fait partie de ce que Gilles Deleuze appelle : « une
situation optique et sonore pure ». Ce qu’on retrouve dans le
« film ballade ». On peut penser à Minuit dans le
jardin du bien et du mal de Clint Eastwood, Dead Man de
Jim Jarmush par exemple.
Les deux en même temps
Tout comme le cerveau oscille entre
habitude et réflexion, il est bien sûr possible de mélanger les
deux images. Reprenons notre homme qui sort de chez lui :
l’image mouvement voudrait que le cut survienne quand il passe la
porte. Maintenant, la caméra s’attarde une, peut-être deux
secondes dans la pièce vide, puis cut, et plan extérieur.
L’image-mouvement est pervertie : il y a bien action et
réaction, mais le temps ne correspond pas, créant un sentiment de
gêne : pourquoi la caméra s’attarde-t-elle dans cette pièce
vide où il ne se passe plus rien ? Ou alors il y a action et
réaction mais la réaction n’est pas logique. Dans le
cinéma de David Lynch Lost Highway par exemple, on
remarque l'abondance de plans « trop longs », des espaces
sombres et vides, des réponses improbables, des absences de
réponses…
Clemens Wedemeyer
Otjesd/Leaving (2005)
2005, 15 min, color, sound
Clemens Wedemeyer
Otjesd/Leaving (2005)
2005, 15 min, color, sound
http://www.ubu.com/film/wedemeyer_otjesd.html
Dans Ostjed, on retrouve cette même construction circulaire du mouvement de caméra et du « scénario » : on y tourne littéralement en rond. Se référant aux tentatives de ressortissants des anciennes républiques de l’Est au milieu des années 2000 pour se procurer des visas pour les pays de l’Ouest, en l’occurrence le consulat d’Allemagne à Moscou, cette nouvelle « boucle » s’accorde cette-fois ci parfaitement avec la réalité décrite par les anciens candidats : on y retrouve les sujets chers à l’auteur, le sentiment de surplace et l’impression d’une réalité bien plus fictionnelle que celle de l’invention scénaristique.
Dans Ostjed, on retrouve cette même construction circulaire du mouvement de caméra et du « scénario » : on y tourne littéralement en rond. Se référant aux tentatives de ressortissants des anciennes républiques de l’Est au milieu des années 2000 pour se procurer des visas pour les pays de l’Ouest, en l’occurrence le consulat d’Allemagne à Moscou, cette nouvelle « boucle » s’accorde cette-fois ci parfaitement avec la réalité décrite par les anciens candidats : on y retrouve les sujets chers à l’auteur, le sentiment de surplace et l’impression d’une réalité bien plus fictionnelle que celle de l’invention scénaristique.
Eija-Liisa Ahtila
If 6 Was 9 (1995) installation vidéo
http://www.ubu.com/film/ahtila_6.html
Les films et les installations cinématographiques d'Eija-Liisa Ahtila explorent la question de la narration et sont autant de récits sur des expériences humaines extraordinaires. Les films d’Ahtila se retournent sans cesse sur les mêmes questions : la séparation, la sexualité, l’adolescence, les liens familiaux, la désintégration mentale et la mort.
Son travail filmique porte sur une analyse des processus liés à la perception et à la production de sens, alors que les installations décomposent l'histoire et la divisent dans l'espace d'exposition. Chaque récit se fonde sur des séries d’entretiens, de recherches, le résultat de ces recherches devenant la matière imaginaire même du scénario en train de se faire. Dans ce mécanisme progressif d’écriture, Ahtila intègre, dans un dispositif réaliste, les limites de l’imagination, ses impossibilités. Les agencements sont produits à partir de techniques cinématographiques distinctes qui ont fait le style, la particularité de ce langage. On y voit ainsi la matérialisation des pensées d’un homme dans la pénombre d’une chambre ; une jeune femme, tel un ouragan, dont la colère fait rage dans un appartement d'étudiant ; un groupe d'amis tombant sur le givre d’un lac en hiver, sombrant peu à peu dans le monde glacial des noyés.
1L'Image-mouvement
/ Gilles Deleuze, Éditions de Minuit, 1983
L'Image-temps / Gilles
Deleuze Éd. de Minuit, 1985
2
Le champ-contrechamp est un procédé de montage cinématographique
qui fait alterner les plans de chacune de deux personnes en train de
dialoguer théoriquement face à face (en général), parfois dos à
dos, ou encore côte à côte.
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